Brasserie Verachtert à Saint-Georges-sur-Meuse, interview de Benoit Verachtert

Mardi 17 octobre 2017 —

En circulant sur l’autoroute Mons-Liège, on peut difficilement manquer l’imposant dépôt de la Brasserie Verachtert, qui domine le talus de l’E42 peu avant la sortie Saint-Georges. Nous y avons rencontré Benoit Verachtert et son épouse Béatrice, qui nous ont fait découvrir l’entreprise familiale. En pénétrant dans le drinkcenter, le regard est attiré par un espace vitré aménagé au sein du magasin. En y regardant de plus près, il s’agit d’une véritable cave à vins climatisée installée au sein même du drinkcenter de la brasserie Verachtert.

Que pouvez-vous nous dire sur l’histoire et l’évolution de l’affaire familiale?

Benoit: « C’est au cours de la Seconde Guerre Mondiale que mon grand-père Bernus Verachtert a quitté sa ville natale de Geel pour venir travailler en Wallonie. Il a d’abord travaillé chez un fermier, puis chez un brasseur. Quand un beau jour celui-ci lui a refusé une augmentation de salaire, mon grand-père a décidé de se lancer à son compte. Il a acheté un cheval et a commencé à faire les tournées de livraison de bière. C’est ainsi que fut créée vers 1955 l’entreprise familiale. Tout au long de sa carrière, mon grand-père a concentré ses activités sur les livraisons « au porte-à-porte » aux particuliers. La reprise de l’entreprise par mon père en 1989 a marqué l’ouverture des activités à la clientèle horeca et aux festivités. Un an après avoir pris les commandes de l’entreprise, mon père a aussi construit le dépôt actuel, dans lequel a été intégré un premier magasin. Dès 1994, j’ai travaillé avec mon père dans l’entreprise et c’est au début des années 2000 que j’ai repris l’affaire familiale. En 2004, nous avons repris le commerce de la famille Giroul (dépositaire Haacht), et avons définitivement mis fin aux tournées chez les particuliers. Peu après, nous avons entrepris des travaux conséquents, pour agrandir l’espace du dépôt, notamment via un aménagement d’une grande cour à l’arrière, et surtout pour bien marquer la différence entre le dépôt et le drinkcenter.»

Au cours des trois générations, l’entreprise a donc effectué des virages à 180 degrés au niveau de ses activités. Quelles ont été les motivations de ces choix ?

« Principalement l’évolution du secteur et les souhaits de la clientèle. Dès les années 90, nous avons commencé à démarcher la clientèle horeca et déconstruit petit à petit les tournées chez les particuliers, car ses dernières s’avéraient de moins en moins rentables. Il s’agit donc d’un choix basé sur la rationalité. Ceci témoigne de la vitesse à laquelle notre secteur a évolué, sur une période tout compte fait très réduite. Il est remarquable de voir comment trois générations successives ont connu un business tout à fait différent, avec mon grand-père qui livrait exclusivement chez les particuliers, mon père ayant connu la transition avec une clientèle mixte horeca-festivités-particuliers et moi-même, avec l’horeca, les festivités, et bien entendu le drinkcenter tel qu’on le connait actuellement, ce dernier aspect du métier ayant d’ailleurs connu une évolution considérable dans le secteur. En ce qui concerne l’horeca, le segment a connu quant à lui une diminution au cours des dernières années, avec la disparition progressive des petits cafés de village. Celle-ci est en partie compensée par l’augmentation de la consommation dans les clubs sportifs et centres culturels. La consommation des gens a évolué, on boit aujourd’hui plus dans ces endroits qu’au café. Nous comptons également parmi notre clientèle quelques sociétés, qui s’approvisionnent chez nous pour les boissons à destination de leur personnel. »

Avez-vous fait d’autres choix stratégiques concernant l’avenir de l’entreprise ?

« Bien sûr. A commencer par le gros investissement réalisé en 2006 pour étendre le dépôt et créer le nouveau drinkcenter. Nous sommes passés d’une surface de 300 m² à 1.500 m², et cela représentait donc un investissement financier conséquent auquel nous avons dû réfléchir. C’est mon épouse qui s’est chargée du développement du magasin. Institutrice à la base, Béatrice est une grande passionnée de vins et a d’ailleurs suivi une formation de caviste. La cave à vins climatisée, c’est un peu comme son troisième enfant, tant elle y a consacré du temps et de l’énergie. Il faut savoir que l’espace, qui contient les meilleurs vins du magasin, est volontairement assombri, avec une lumière qui ne s’allume que lorsque l’on y pénètre, afin de ne pas exposer les bouteilles à une luminosité inutile. De plus, comme dans une cave à vins classique, le sol y est recouvert de gravier. Béatrice s’est également mise à la page des alcools, avec l’évolution croissante de la demande pour ces produits. Ainsi, nous comptons actuellement dans le magasin 110 sortes de whisky, 50 de rhum et 40 de gin. Une autre part non négligeable des activités du magasin, c’est la vente des paniers et autres cadeaux. Nous avons même une vitrine avec des cigares, pour les amateurs. Aujourd’hui, personne ne rentre dans un drinkcenter pour acheter un pack d’eau ou de limonade. Pour cela, les gens vont en grande surface. Le but est donc d’attirer le client avec des choses qu’il ne trouvera pas facilement ailleurs. Une fois sur place, il en profitera alors pour acheter ses boissons du quotidien. »

« Au niveau organisationnel, nous avons fait le choix de nous équiper d’une machine automatique pour la récupération des vidanges. Cela représente un gain de temps considérable. Auparavant, nous n’avions pas toujours de contrôle sur les vidanges que déposaient les clients. Sans parler des bouteilles qui revenaient parfois très sales et obligeaient le personnel à se laver les mains plus souvent que nécessaire. »

« Un autre choix stratégique concerne la distribution dans les grandes surfaces de bières spéciales régionales issues des microbrasseries. En les intégrant dans les tournées existantes, cela n’a pas entrainé d’investissement supplémentaire, et il s’agit là de ventes qui ne souffrent pas du risque d’impayés. Je vois ceci comme une corde supplémentaire à mon arc. Ce segment représente aujourd’hui environ 10% de nos activités, tandis que l’horeca, en ce y compris les clubs et associations, représente 50%, le magasin 25% et les festivités 15%. »

Qu’appréciez-vous particulièrement dans le métier de négociant en boissons ?

« Sans hésiter la variété du métier, ainsi que le contact avec la clientèle. J’apprécie tout particulièrement ce contact. Par exemple, dans le cadre des festivités, il n’est pas rare qu’en tant que professionnel de la boisson, nous aidions les personnes à concevoir leur évènement.»

Il y a sans doute également des défis auxquels vous êtes confronté…

« Aujourd’hui, les défis sont plus d’ordre financier que commercial. Par exemple, avec la fin des cafés de village, qui représentaient tout de même un certain volume, il a fallu trouver le moyen de compenser. Et c’est tout un exercice que de juger si tel ou tel nouvel établissement vaut la peine qu’on y investisse. Il faut vraiment faire preuve de prudence. »

« Au niveau de la législation, les obligations concernant le transport (tachygraphes, OBU) représentent également un sacré défi, alors que le transport n’est pas réellement notre métier. Au niveau financier, l’achat d’un nouveau véhicule, compte tenu de toutes les nouvelles normes, est également un choix à ne pas prendre à la légère, surtout quand on pense à l’investissement consenti pour un nombre de kilomètres tout compte fait limité. »

« Enfin, la multiplication des tarifs de vidange sur les casiers et même les futs ne nous rend pas la tâche facile. »

Que signifie FEBED pour vous et quelles sont vos attentes pour le futur?

« Il est très important que FEBED en tant que fédération professionnelle représente notre métier, principalement en ce qui concerne les législations. Il y a suffisamment de thèmes qui sont importants pour notre secteur et pour lesquels FEBED doit faire entendre la voix des négociants. Cela ne va pas aller en s’améliorant, ce qui rendra le rôle de FEBED encore plus important.»

« FEBED doit également repenser le modèle commercial de notre secteur. Il existe déjà les groupements d’achat qui obtiennent des prix avantageux pour les négociants. Il y a Freedom, mais qui ne se concentre pas sur l’achat de boissons. Pour apporter encore plus de valeur ajoutée aux membres, il se pourrait que le paysage doive être revu dans son entièreté.»

Un dernier conseil à donner à vos collègues distributeurs ?

« Contrôlez systématiquement vos factures fournisseurs. On y trouve régulièrement des erreurs, au niveau des vidanges, de promotions oubliées etc. Ce n’est pas qu’il y ait beaucoup d’argent à gagner, mais c’est déjà de l’argent que l’on ne perd pas.»

www.verachtertboissons.be