Le regard de Bernard Seghers (PepsiCo) sur le marché

Vendredi 25 août 2017 —

Inforeportage 25 aout 2017

Pouvez-vous, du point de vue de PepsiCo, nous dire comment vous voyez le marché d'aujourd'hui ?

Bernard : “Il est clair que le marché n'est pas facile. Personne ne le niera. Il y a quantité de facteurs qui ont joué en défaveur du secteur. Ces dernières années, nous sommes confrontés à un printemps difficile en raison des conditions météorologiques. Nous ne pouvons pas y faire grand-chose, et après la chaleur de ces dernières semaines c'est déjà oublié, mais si nous pouvions avoir du plus beau temps au printemps, cela se reflèterait dans les chiffres. Nous ne devons pas non plus sous-estimer l'impact des attentats du 22 mars 2016. Les premières semaines qui ont suivi, en tout cas, cela a couté beaucoup à l'horeca, et surtout à Bruxelles, naturellement. Mais cela va plus loin que ça. Le consommateur est toujours soupçonneux et chaque nouvel article qui parait dans les médias fait que cela revient à l'esprit. Ce n'est d'ailleurs pas seulement le cas à Bruxelles, mais aussi dans toutes les grandes villes. Il faut encore mentionner l'interdiction de fumer : c'est une bonne chose pour la santé, mais cela a été une mauvaise chose pour les chiffres de vente. Et c'est aussi, certainement, une des raisons qui expliquent le glissement du on trade vers le off trade."

Parlons aussi de la caisse blanche : dans quelle mesure son instauration aura-t-elle, selon vous, une influence sur les chiffres de vente ?

Bernard : "L'instauration de la caisse blanche a deux conséquences. D'une part, nombre de cafetiers doivent peut-être augmenter leurs prix afin de rester rentables. S'ils ne le font pas, ils seront encore plus mis sous pression financièrement. D'autre part, ces prix plus élevés constitueront à leur tour un motif incitant les clients à consommer davantage à domicile. L'instauration présente cependant l'avantage de faire refluer la demande en livraison au noir. Tout le monde, naturellement, voudrait un marché entièrement blanc, et à long terme cela sera dans l'intérêt de tous. Mais nous devons être conscients qu'à court terme cela aura un impact sur le volume."

Avez-vous vu évoluer le rôle des distributeurs en boissons au fil des années ?

“Ce rôle a certainement évolué. Je trouve par exemple très bonne la façon dont les distributeurs en boissons ont ouvert le canal des drinkcenters. Ce faisant, ils se sont positionnés d'une bonne manière par rapport aux grandes chaines, et il y a encore de la place pour la croissance. Poursuivre la professionnalisation dans ce domaine sera important, et nous voyons aussi que nombre de très bons exemples de drinkcenters modernes et agréables accordent à l'ambiance une place centrale. Cette ambiance est vraiment cruciale pour convaincre le client de la plus-value du distributeur en boissons. Cette plus-value réside dans la connaissance du produit et la différenciation des produits. Les grandes surfaces ne peuvent offrir une grande différenciation, ce n'est pas leur concept. Le distributeur en boissons peut le faire, et il doit jouer là-dessus. D'ailleurs, pourquoi ne pas étendre cette différenciation à l'horeca ? C'est aussi ce que nous demandons aux distributeurs en boissons. Les négociants en bières ont prouvé qu'ils pouvaient, dans la pratique, l'appliquer dans leurs drinkcenters, cela devrait donc également être possible dans l'horeca. Le consommateur veut du choix, et donc une différenciation, combinée à une ambiance. Il est dès lors disposé à payer pour ça. C'est donc absolument nécessaire pour l'avenir. Cela ne signifie pas qu'il ne peut y avoir de rationalisation du portefeuille actuel. Les produits qui ne marchent pas bien doivent être remplacés par de meilleurs produits. Mais les innovations doivent être stimulées, même si au début elles génèrent moins de volume. Toutes les innovations ont besoin de temps pour réussir."

Comment l'élément ambiance peut-il se présenter dans la pratique ?

“L'ambiance se joue sur différents plans. Elle peut se traduire dans des investissements dans les biens, afin que ceux-ci deviennent plus attrayants ou offrent un concept spécifique. À Berlin par exemple, il y a un café qui présente trois formes différentes dans la même journée. À midi, le focus est mis sur une bouchée rapide et un snack. Le soir, le concept s'adapte pour devenir un restaurant et plus tard dans la soirée, le bien devient un bar trendy. Ce n'est là qu'un exemple parmi bien d'autres, mais avec cela vous titillez le consommateur et l'attirez chez vous. Le distributeur en boissons peut aussi se profiler en ce sens en faisant des investissements dans les biens. Un autre exemple et le mix entre le premium food et des prix accessibles, afin d'attirer un nouveau public. Il faut continuer à avancer, et surtout oser avancer. Il ne suffit plus de mettre sur votre carte une chope standard et deux softdrinks."

De quelle tendance importante le secteur devra-t-il tenir compte dans l'avenir ?

“La baisse du nombre de cafés est une première constatation importante, et cette tendance va probablement se maintenir dans les années qui viennent. Le rôle des discothèques est en fort recul ces dernières années. À l'inverse, la force des festivals et évènements a augmenté. L'un dans l'autre, il y a moins d'opportunités pour nous ou les distributeurs en boissons de faire des affaires, mais il faut accompagner les glissements dans le marché. Le focus sur la santé est encore un élément sur lequel on doit jouer. Le marché des boissons sans sucre devient énorme. Par ailleurs, il y a eu dans le passé une importante vague de consolidations parmi les distributeurs en boissons : il est clair pour tout le monde qu'une nouvelle vague est en cours. Dans ce contexte, une collaboration plus étroite entre le distributeur en boissons et les producteurs est importante. Nous devons nous renforcer les uns les autres et je constate que les distributeurs en boissons y sont ouverts. PepsiCo voit d'une façon positive l'évolution du secteur dans l'avenir. Cela peut paraitre un peu bizarre, malgré les nombreux bruits négatifs, mais nous devons aborder cela ensemble afin de nous en sortir plus forts comme secteur dans son ensemble."

Vous mettez l'accent sur la collaboration avec le distributeur en boissons. Pouvez-vous en dire plus à ce sujet ?

"Les producteurs ont besoin des distributeurs en boissons pour pouvoir se profiler. Le canal horeca n'est pas un canal facile, et pourtant il est très important d'y être présent. Cela devient toujours plus important en matière de notoriété de la marque. En fait, il constitue une vaste enseigne pour nos produits. L'horeca est donc loin d'être mort, bien au contraire. Mais l'environnement dans lequel il est actif a changé très rapidement, avec des gagnants et des perdants. En tant que producteurs, nous devons soutenir le canal et son caractère spécifique via les emballages retournables qui lui sont réservés. Cela s'inscrit complètement dans le concept d'économie circulaire. Selon moi, les emballages retournables gagneront en importance dans les années à venir, en raison du focus que le monde politique met sur l'économie circulaire. Et donc, il offre des chances supplémentaires au commerce de gros. Vous devez suivre cela de près et, avec FeBeD, vous y adapter. Cela ne peut qu'être profitable au secteur."

En d'autres termes, toute la chaine doit interagir pour pousser le secteur vers l'avant ?

“Oui, cette collaboration devrait être beaucoup plus intense. Le producteur doit voir que l'offre s'est renouvelée et s'adapter aux tendances que veut le consommateur. L'opération Tournée Minérale en est un bel exemple. Durant tout le mois de février, les journaux ne parlaient que de Tournée Minérale. Eh bien les producteurs doivent adapter leur offre à de telles opérations. Et à son tour le distributeur en boissons doit être ouvert à cette offre variée, de différents acteurs. Et, enfin, le cafetier doit aussi créer un environnement pour le client, afin qu'il vienne gouter la nouvelle offre. Chaque chainon a donc son importance si nous voulons renforcer toute la chaine. PepsiCo veut certainement bien volontiers faire sa part du travail et, avec les distributeurs en boissons et l'horeca, attirer les consommateurs et exploiter au maximum le canal horeca".

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